PORTRAIT
L'AMH et sa famille
L'AMH
est une glycoprotéine qui fait partie de la superfamille
du TGFß (Transforming Growth factor ß). D'autres
membres de cette famille sont bien connus des endocrinologues:
ce sont les activines et les inhibines. Comme ces molécules,
l'AMH est un dimère stabilisé par des ponts disulfures.
La masse moléculaire apparente du dimère est de
140 kDa.
Le
gène de l'AMH est relativement court, et ne comprend
que 5 exons. Le cinquième exon a une forte homologie
avec les gènes des autres membres de la famille. Fait
intéressant, ce gène n'est pas localisé
sur un chromosome sexuel mais sur le chromosome 19, comme d'ailleurs
le gène du TGFß. Les mutations du gène de
l'AMH sont responsables d'un syndrome autosomique récessif
de persistance des canaux de Müller chez un sujet mâle.
Le récepteur de l'AMH
Ce
récepteur a été cloné en 1994. Il
fait partie de la superfamille des récepteurs transmembranaires
à sérine/thréonine kinase de type II. Il
est présent sur les cellules mésenchymateuses
adjacentes aux canaux de Müller. On a démontré
aussi qu'après la naissance, il était exprimé
dans les cellules de la granulosa et dans les cellules de Sertoli,
ce qui suggère un rôle de l'AMH sur les gonades.
On connait d'ores et déjà des mutations du gène
de ce récepteur responsables d'une résistance
à l'AMH.
L'AMH pendant la vie foetale: la période de gloire.
L'AMH
est produite exlusivement par les cellules somatiques des gonades,
et cela dans les deux sexes. Mais dans l'ovaire, les cellules
de la granumosa semblent ne produire l'AMH qu'après la
naissance et en faible quantité, alors que les cellules
de Sertoli du testicule foetal en produisent énormément.
Cette production est très précoce: elle survient
dès la huitième semaine après la conception
et reste importante jusqu'à la naissance. Apparemment
la production d'AMH pendant la vie foetale n'est pas freinée
par le pic foetal de testostérone.
A quoi sert l'AMH après la naissance ?
Après
la naissance, la production d'AMH reste élevée
chez les garçons jusqu'à la puberté, âge
où ses taux circulants diminuent progressivement. Comme
cela a été bien démontré par l'équipe
de Nathalie Josso, la production d'AMH après la naissance
est très dépendante de la production de testostérone
qui est un inhibiteur puissant de sa sécrétion.
On verra plus loin l'intérêt sémiologique
de ce mécanisme de régulation. Par ailleurs, il
est démontré chez la souris que l'AMH a un effet
inhibiteur sur le développement des cellules de Leydig
et sur la production de testostérone. Il y aurait donc
un boucle régulatrice testostérone -----> AMH
-------> testostérone.
Quant
à son rôle éventuel sur l'ovaire, il reste
à déterminer, mais il est assuré que le
récepteur AMHRII est exprimé dans les cellules
de la granulosa.
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Comment se servir du dosage de l'AMH ?
Il
découle des données exposées ci-dessus
que l'AMH est un marqueur des cellules de Sertoli immatures.
Mais les cellules de la granulosa, qui chez la femme adulte
ne sécrètent pratiquement pas d'AMH, en sécrétent
en quantité appréciable lorsqu'elles sont tumorales.
Les indications du dosage sont donc claires:
1) Anomalies de la différenciation sexuelle
Les
taux d'AMH sont très élevés dans deux syndromes
maintenant bien définis, l'insensibilité aux androgènes
(ou testicule féminisant) et la résistance à
l'AMH due à une mutation du récepteur.
Dans
le syndrome d'insensibilité aux androgènes, le
dosage de l'AMH démontre, même très tôt
avant la puberté, alors que la sécrétion
de testostérone n'est pas encore significative, la présence
de tissu testiculaire. De plus après la puberté,
les taux d'AMH ne sont pas freinés par la testostérone
dont le récepteur est inactif.
D'une
manière générale, le dosage de l'AMH est
indipensable devant tout syndrome évoquant une anomalie
de la différenciation sexuelle: cryptorchidie bilatérale,
où la présence d'AMH permet d'éliminer
l'anorchidie, pseudohermaphrodismes et hermaphrodisme vrai.
Les
syndromes associant un phénotype extérieur masculin
et la présence de structures internes mullériennes
relèvent de plusieurs étiologies dont deux sont
bien caractérisées:
-
les mutations du gène du récepteur de l'AMH, où
les taux d'AMH sont élevés, témoigant de
la résistance à l'AMH
-
les mutations du gène de l'AMH, où l'AMH est indétectable
ou à la limite de détection.
2) Les tumeurs de la granulosa
Au
même titre que l'inhibine B, le dosage de l'AMH est un
bon marqueur de l'évolution des tumeurs de la granulosa.
Sa remontée en cas de récidive est extrêmement
précoce, beaucoup plus précoce que celle de l'estradiol,
et permet de prendre en temps utile les mesures thérapeutiques
appropriées.
En
conclusion, le dosage de l'AMH s'est imposé ces dernières
années comme un index diagnostique précieux dans
l'exploration des anomalies de la différenciation sexuelle,
et comme un paramètre pronostique indispensable au suivi
des tumeurs de la granulosa.
Najiba
LAHLOU
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