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La DHEA (déhydroépiandrostérone) est connue depuis les années 40 comme un des 17-cétostéroïdes les plus abondants dans l'urine, et sa sécrétion par les glandes stéroïdogènes (surrénales, ovaires, testicules) est attestée depuis les années 50.
Une découverte surprenante
En 1960, E.E BAULIEU démontra que les surrénales sécrétaient en fait principalement, contre toute attente, l'hormone sulfo-conjuguée ou sulfate de DHEA et non l'hormone libre. On imagine mal maintenant à quel point cette découverte de la sécrétion d'une hormone conjuguée, et donc en principe non biologiquement active, allait à l'encontre des idées reçues. C'est d'ailleurs une donnée physiologique restée unique.
La DHEA est-elle une hormone ?
Parler d'hormone a propos de la DHEA reste en réalité une anticipation. Certes la DHEA et le sulfate de DHEA répondent parfaitement aux premiers termes de la définition de Starling (substance déversée dans le sang par une glande et diffusée dans l'organisme..), mais la fin de la définition (... et exerçant des effets biologiques à distance) reste une question pendante: la DHEA n'a pas de récepteur identifié et pourtant son régime sécrétoire bien particulier laisse entrevoir des actions puissantes.
La DHEA, compagne de l'embryogénèse
Chez le foetus, la DHEA est le précurseur de l'estriol retrouvé en énormes quantités dans le sang maternel. Sa sécrétion est maximale en fin de grossesse et elle reste importante dans la première année de la vie, avant de s'éteindre presque complètement entre 2 et 5 ans. La restriction progressive de la partie centrale de la corticosurrénale dite surrénale foetale, rend compte de cette disparition dont on ne connaît pas le mécanisme.
DHEA: le retour
Dans les deux sexes, la sécrétion de la DHEA et du sulfate augmente un ou deux ans avant la puberté gonadique. Il est démontré que puberté surrénalienne et puberté gonadique sont des phénomènes totalement indépendants l'un de l'autre. Mais si l'on sait que les gonades sont mises en branle par la maturation de l'hypothalamus gonadotrope, on ne sait ni pourquoi ni comment la zone centrale de la corticosurrénale trouve une seconde vigueur juste avant l'adolescence. Quoi qu'il en soit, les taux de la DHEA et du sulfate culminent entre 20 et 40 ans, puis s'effondrent progressivement.
Les fonctions de la DHEA et du sulfate de DHEA
Hormones foetales et hormones de la maturité, quelles fonctions peuvent-elles exercer ?
La recherche sur ce point sont compliquées par l'absence de modèle animal facilement accessible: seuls les primates produisent de grandes quantités de DHEA et de sulfate de DHEA.
Deux voies d'action sont déjà établies: d'une part la DHEA et le sulfate sont convertis dans les tissus en stéroïdes actifs, testostérone, androstènedione, andostènediol et oestrogènes (rappelons que DHEA et sulfate de DHEA sont interconvertibles, et notamment que la DHEA administrée par la bouche est convertie en sulfate dès le premier passage hépatique), d'autre part la DHEA interagit avec les récepteurs des neurotransmetteurs impliqués dans plusieurs fonctions comportementales.
Rien n'interdit de penser que la fonction principale de la DHEA (et par le jeu de l'interconversion, du sulfate de DHEA) serait la modulation d'autres fonctions régulatrices, mais ceci reste à démontrer.
La DHEA, fontaine de jouvence
Ce qui excite présentement les populations, ce n'est pas le rôle de la DHEA pendant la vie foetale ou dans la maturation pubertaire, mais son déclin après 40 ans, qui en fait un marqueur de la sénescence.
Est-ce à dire qu'il faille proposer un traitement hormonal substitutif de l'adrénopause ?
Les effets bénéfiques de la DHEA dans le traitement des insuffisances surrénaliennes sévères ont été rapportés. Chez les sujets âgés de plus de 70 ans, les premières études rigoureusement contrôlées publiées par des équipes françaises laissent entrevoir des améliorations sensibles de l'état cutané, du turnover osseux et de la libido.
Aussi, médecins et physiologistes sont soumis à une pression croissante de la population qui, dans son désir d'une éternelle jeunesse (sinon d'une vie éternelle), croît tenir là une potion magique. On en est encore loin, et il faut raison garder.
Comment évaluer le vieillissement surrénalien ?
Ne refusons pas l'hypothèse d'un effet bénéfique à long terme d'une administration médicalement contrôlée de DHEA chez les sujets les plus déficitaires. Rappelons que dans nombre de pays, mais surtout aux Etats Unis, n'importe qui peut acheter de la DHEA dans les drug stores et autres centres de vitaminothérapie, mais que la teneur de ces préparations n'est pas toujours sérieusement validée et qu'on ignore tout de leurs excipients.
Si
un jour il devient licite de prescrire de la DHEA comme traitement
substitutif, comment fixer les indications ? Très simplement,
il suffira de doser dans le sang le sulfate de DHEA, dont le taux n'est pas fluctuant, et non pas la DHEA non con,juguée dont la sécrétion est pulsatile, et qui n'est pas un bon index du vieillissement surrénalien.
Marc ROGER
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