Portrait
La GnRH
(Gonadotropin Releasing Hormone) ou Gonadolibérine (nomenclature
chimique internationale) ou Gonadoréline (dénomination
de la pharmacopée internationale) est l'hormone hypothalamique
qui commande la sécrétion des gonadotropines hypophysaires.
Son existence avait été postulée dès
les années 50 dans le laboratoire de Harris à
Londres où travaillait Andrew Schally. Mais ce n'est
que 20 ans plus tard que Schally dans son laboratoire aux Etats
Unis caractérisa complètement l'hormone à
partir de quelques milliers d'hypothalamus de porc, découverte
qui lui valut le Prix Nobel de Médecine.
C'est un décapeptide dont la structure est très conservée chez les vertébrés, ce qui témoigne de son importance. En médecine, l'hormone connait une énorme fortune en physiologie, en diagnostic et en thérapeutique.
Les neurones à GnRH: le générateur de pulsations
Depuis les années
70, on sait que la sécrétion des gonadotropines,
et tout particulièrement de la LH, est pulsatile. Il
est démontré dans plusieurs espèces de
mammifères que la pulsatilité des gonadotropines
est la conséquence de la pulsatilité de la GnRH.
Cette dernière est une propriété intrinsèque
des neurones hypothalamiques à GnRH: des explants hypothalamiques
comme des neurones hypothalamiques en culture sécrètent
la GnRH de façon pulsatile. De plus, l'ensemble des neurones
hypothalamiques secrètent de façon concertée
et forment un réseau fonctionnel appelé " générateur
des pulsations de GnRH ".
Ontogénèse du générateur des pulsations de GnRH
Il existe dans
la vie de l'individu trois périodes où le générateur
de GnRH est hyperactif:
1) La période
foetale, à partir de la 10ième semaine
de grossesse, où les cellules gonadotropes commencent
à sécréter de grandes quantités
de gonadotropines, avec prédominance de la FSH chez les
foetus féminins.
2) La période
immédiatement post natale, entre le 3ième
et le 6ième mois chez le garçon, pendant
toute la première année chez la fille, où
il existe une vague sécrétoire, avec là
encore, prédominance de la LH chez le garçon,
de la FSH chez la fille.
3) La période
pubertaire, où l'amplitude des pulsations de LH et FSH
augmente progressivement dans les deux sexes.
En fait, il n'existe
guère qu'une période de la vie où l'hypothalamus
gonadotrope apparaît quiescent: entre les âges de
2 et 6 ans environ. Cette inhibition porte essentiellement sur
l'amplitude des pulsations plus que sur leur fréquence
(du moins dans l'espèce humaine) et c'est la levée
de cette amputation de l'amplitude qui permet le démarrage
de la puberté.
La GnRH en médecine: injection unique, injection répétée, administration continue
Dès 1971,
la GnRH a été utilisée dans des indications
diagnostiques: l'injection intra-veineuse unique d'une dose
de 100 mg
entraîne une libération massive de la LH et de
la FSH disponibles, ainsi que de la sous-unité alpha
libre, puis une néosynthèse progressive des gonadotropines.
La réponse au test est un des meilleurs index du degré
de maturation de l'hypothalamus gonadotrope et de la tonicité
des neurones à GnRH.
Les injections
massives paradoxalement inhibent les sécrétions
gonadotropes comme l'a montré Knobil chez le macaque:
la perfusion continue de GnRH supprime complètement la
sécrétion des gonadotropines, alors qu'une injection
pulsatile peut induire une puberté précoce. Les
conséquences de cette découverte ont été
énormes: d'une part le traitement par pompe pulsatile
est le traitement de choix des déficits hypothalamiques,
d'autre part l'utilisation de superagonistes de GnRH à
action très prolongée permet de freiner la sécrétion
des gonadotropines soit pour faciliter la manipulation pharmacologique
de l'ovulation, soit comme traitement des pubertés précoces,
soit comme traitement adjuvant des cancers gonado-dépendants.
Les mutations du gène du récepteur de la GnRH
La GnRH exerce
son action par l'intermédiaire d'un récepteur
présent dans la membrane des cellules gonadotropes. Il
fait partie de la famille des récepteurs à 7 domaines
transmembranaires, comme ceux des gonadotropines. Ces toutes
dernières années on a décrit plusieurs
cas de mutations du gène de ce récepteur, responsables
d'un hypogonadisme hypogonadotrope. Curieusement, malgré
la perte de fonction du récepteur, certains de ces hypogonadismes
sont sensibles à l'injection pulsatile de GnRH alors
que d'autres y sont totalement résistants. Il semble
au total justifié, devant un hypogonadisme hypogonadotrope,
de chercher ce type de mutation au même titre que les
mutations responsables du défaut de migration des neurones
à GnRH depuis la placode olfactive jusqu'à l'hypothalamus
(syndrome de Kallmann-De Morsier).
En conclusion,
les découvertes de la GnRH et de son récepteur
figurent parmi les plus fécondes des trois dernières
décennies puisque les applications concernent la pédiatrie,
l'endocrinologie, la thérapeutique des cancers, et le
traitement de l'infertilité. On peut regretter que Knobil,
qui a tant fait pour nous aider à comprendre la physiologie
de l'hypothalamus gonadotrope et qui a ouvert tant de voies
à la thérapeutique par GnRH et par les superagonistes
de GnRH n'ait pas été lui aussi honoré
d'un Prix Nobel.
Najiba
LAHLOU et Marc
ROGER
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