H comme hCG

 L'entrée de la gonadotropine chorionique humaine dans l'histoire de la médecine s'est faite par une porte dérobée. En 1927, Aschheim qui venait d'identifier avec Zondek l'hormone lutéinisante hypophysaire ou prolan B à partir d'urines d'hommes et de femmes, s'aperçut que les femmes enceintes excrétaient dans leurs urines de grandes quantités d'hormone lutéinisante. Quelle signification pouvait bien avoir cette hyperactivité hypophysaire chez la femme enceinte?

En attendant la réponse, il proposa pragmatiquement dès 1928 d'utiliser le dosage biologique de la LH urinaire comme diagnostic biologique de grossesse. Le dosage biologique d'Ascheim, sur souris, est la source de tous les dosages biologiques de hCG sur souris, sur rat, sur lapine, sur crapaud mâle, etc... qui ont rendu tant de services jusqu'à la fin des années 60, tant pour le diagnostic de grossesse que pour l'identification des sécrétions tumorales de hCG. Le dosage radio-immunologique de hCG, qui a succédé aux dosages biologiques, n'a vu le jour qu'en 1965 et a été introduit en France par votre serviteur en 1970.

 Longtemps les dosages de hCG ont souffert d'un péché originel: comment distinguer hCG de hLH ? Les molécules sont si voisines qu'elles partagent le même récepteur, d'où la méprise d'Aschheim. Mêmes les méthodes immunologiques pendant longtemps n'ont pas fait la distinction entre hLH et hCG: rappelons que le premier dosage radio-immunologique de la LH sérique utilisait un antisérum polyclonal anti-hCG, ce qui explique les déboires des biologistes et des cliniciens pour distinguer une sécrétion minime de hCG d'une sécrétion de LH.  

Najiba LAHLOU, dans le texte ci-après, brosse un portrait up-to-date des connaissances et de l'utilisation pratique des dosages de hCG et de sa sous-unité bêta libre.

Marc ROGER

PORTRAIT

Structure: unité et sous-unités

La gonadotropine chorionique humaine (hCG) ou choriogonadotropine est une hormone glycoprotéique qui, comme les gonadotropines hypophysaires FSH et LH, et la thyrotropine TSH, est une molécule dimérique formée d'une sous-unité alpha de 92 acides aminés commune aux 4 hormones, et d'une sous-unité bêta de 145 acides aminés qui est spécifique à hCG. C'est cette sous-unité bêta qui détermine l'activité biologique en permettant la liaison au récepteur. Cependant cette même sous-unité bêta sous forme libre, sécrétée par le placenta et par certaines tumeurs malignes, est dénuée d'activité biologique intrinsèque, comme d'ailleurs la sous-unité alpha libre. De telle sorte que, exceptionnellement, l'unité internationale de sous-unité alpha ou bêta n'a pas été définie par référence à une action biologique mais par référence à une masse: une unité internationale d'hCG bêta est égale par définition à 1 microgramme. En revanche l'unité internationale de l'hCG dimérique est, elle, classiquement définie par une activité biologique.

Les 2 types de sous-unités sont glycosylés: la sous-unité alpha porte 2 groupes N-glycosidiques, la sous-unité bêta 2 groupes N-glycosidiques et 4 groupes O-glycosidiques.

Phylogénèse

Partant des structures comparées des hormones glycoprotéiques, les phylogénéticiens ont décrit les filiations qui, depuis la molécule ancestrale qui serait la sous-unité alpha libre, ont mené à hCG. La dernière étape est le passage de hLH à hCG: il a suffi d'une délétion et d'une mutation pour que la chaîne peptidique de LH bêta s'allonge de 121 à 145 acides aminés et forme la chaîne peptidique d'hCG bêta.

Nicke ton dimère !

Dans le sérum hCG existe sous plusieurs isoformes, variant essentiellement selon la nature des groupes osidiques qui confèrent à la molécule des propriétés plus ou moins acides. Il existe également à côté des sous-unités libres des fragments, comme le bêta-core de hCG, et des molécules clivées ou "nicked hCG". L'hétérogénéïté des molécules circulantes peut modifier la relation entre activité biologique et activité immunologique.

Vous avez dit bêta ? comme c'est bêta !

Lorsqu'en 1972, Judith Vaitukaitis présenta son dosage spécifique de hCG utilisant un antisérum dirigé contre la partie terminale de la sous-unité bêta, naquit le dosage "des" bêta-hCG. Cette expression ambiguë signifiait simplement que ce type de dosage mesurait simultanément les sous-unités bêta engagées dans la molécule dimérique et les sous-unités libres.

Grâce aux systèmes sandwich à deux anticorps monoclonaux, on dispose maintenant de 3 types de dosages spécifiques:

- le dosage d'hCG intacte, qui ne mesure que la molécule dimérique,
- le dosage exclusif de la sous-unité bêta libre,
- le dosage de l'hCG totale, qui mesure en même temps l'hCG intacte et la sous-unité bêta libre comme le faisait l'ancien dosage de Vaitukaitis.

On verra plus loin leurs indications respectives.

Le ou les récepteurs ?

La gonadotropine chorionique partage avec hLH le même récepteur membranaire. C'est un récepteur à 7 domaines transmembranaires comme celui des autres hormones glycoprotéiques. Il est présent sur les cellules de Leydig, sur les cellules de la thèque interne du follicule et sur les cellules de la granulosa. Les deux molécules hLH et hCG ont pratiquement la même affinité pour ce récepteur.

La molécule de hCG a aussi une affinité non négligeable pour le récepteur de TSH, ce qui peut rendre compte d'un certain degré de freinage de la sécrétion de TSH au premier trimestre de la grossesse, et surtout des hyperthyroïdies gravidiques transitoires chez certaines femmes qui ont un variant du récepteur de la TSH à forte affinité pour hCG. On a également dévrit en 2003, avec la participation de notre laboratoire, un variant du récepteur de la FSH ayant une affinité suffisante pour hCG pour être cause d'un syndrome d'hyperstimulation ovarienne d'inhibine B au premier trimestre de la grossesse.

hCG hormone hypophysaire: la revanche d'Aschheim

Depuis que des dosages immunométriques hyperspécifiques permettent de distinguer sans ambiguïté hCG de hLH, la présence dans le sang circulant de molécules ayant toutes les caractéristiques immunologiques de hCG est bien démontrée. Cette activité hCG-like est surtout élevée chez la femme au moment de l'ovulation et après la ménopause. Le groupe d'Odell a démontré que cette protéine était sécrétée par les cellules gonadotropes, que la sécrétion était pulsatile, et sensible à LHRH.

Chez l'enfant et chez l'homme normal, les taux plasmatiques sont très inférieurs aux limites de détection des méthodes courantes de dosage de hCG (1 UI / l pour les meilleures méthodes). Il faut des techniques spéciales pour mettre hCG en évidence chez ces sujets. Il n'en est pas de même chez la femme où on peut trouver 2 à 3 UI / l d'hCG-like au moment de la décharge ovulatoire et jusqu'à 7 UI chez la femme ménopausée ! D'une manière générale toutes les situations d'hyperactivité gonadotrope hypophysaire peuvent s'accompagner d'une sécrétion d'hCG-like mesurable dans le sang. C'est une notion qu'il faut avoir à l'esprit sous-peine d'interprétation erronée d' un résultat non nul. 

Existe-t-il des adénomes hypohysaires à hCG ? Pourquoi pas si hCG est une hormone hypophysaire? En fait, alors que l'expression du gène de la sous-unité bêta de hCG est attestée dans de nombreux adénomes, gonadotropes ou non, on n'a rapporté pour l'instant aucun cas d'adénome hypophysaire sécrétant suffisamment d'hCG dans le sang périphérique pour entraîner des signes endocriniens.

hCG tumorale ou le piège des tests de grossesse

Une grande variété de tumeurs peuvent sécréter hCG:

- tumeurs germinales surtout, et souvent à localisation gonadique mais aussi intra-cérébrale ou médiastinale,
- et  aussi certains hépatoblastomes,
- et des tumeurs malignes de toutes natures. C'est dire qu'il faut avoir le dosage de hCG facile, mais ne pas se méprendre sur son interprétation comme dans la triste observation de cette fillette sicilienne de 12 ans, dont le ventre avait grossi et qui avait un test de grossesse positif. Mise à la porte par son père et recueillie par des religieuses plus attentionnée que les parents, elle fut trouvée porteuse d'une d'une tumeur ovarienne sécrétant hCG qui fut finalement enlevée: elle pesait 3 kg !

Certaines tumeurs (vésicales, pulmonaires, etc..) ne sécrétent que la sous-unité hCG bêta libre et sont de très mauvais pronostic. Rappelons que dans ces cas il n'y a pas de signes endocriniens, puisque la sous-unité bêta libre est dénuée d'activité biologique.

Diagnostic et pronostic de la grossesse

Proposé par Aschheim dès 1928, le diagnostic de la grossesse est l'indication majeure du dosage de hCG. Quoiqu'on ait prétendu il y a 30 ans qu'hCG pouvait être détectée avant l'implantation, il est bien démontré maintenant qu'il faut attendre l'établissement de relations directes entre l'embryon et le sang maternel pour qu'hCG soit détectable. Donc en principe, le diagnostic de la grossesse peut être fait au premier jour des règles manquantes, sauf en cas d'ovulation  tardive évidemment !

Fait important, pendant les 6 premières semaines de la grossesse, soit 8 semaines d'aménorrhée, les taux sériques de hCG croissent de façon exponentielle, le temps de doublement étant d'environ 1,5 jours. Cette notion est cruciale pour établir la solidité de l'implantation, ce qui est important dans certaines circonstances comme la fécondation in vitro: il suffit pour cela de deux dosages à 48 heures d'intervalle. Au delà de 8 semaines d'aménorrhée, le temps de doublement s'allonge progressivement jusqu'au pic de concentration, qui s'observe à 12 semaines, et qui précède une décroissance rapide.

Historiquement, les taux d'hCG permettaient également le diagnostic de môle hydatiforme: dans les môles non embryonnées, les taux de hCG continuent de croître de façon exponentielle au delà de 8 semaines pour atteindre parfois 1 million d'UI / l à 12 semaines, alors que les grossesses avec embryon ne dépassent pas 300 000 UI / l. Bien entendu, l'échographie à 10-11 semaines a détrôné le dosage d'hCG dans cette indication.

Le calcul du risque de trisomie 21

On sait, mais sans l'expliquer vraiment, que les placentas des foetus portant une trisomie 21 produisent statistiquement plus d'hCG et de sous-unité bêta-hCG libre que les placentas normaux. Ce fait est à la source des programmes de dépistage du risque de trisomie 21 fœtale par le dosage des marqueurs sériques maternels: hCG ou bêta libre + Alphafoetoproteine et/ou estriol non conjugué.

Gardons à l'esprit qu'il ne s'agit pas d'un diagnostic de trisomie 21 mais du calcul d'un risque destiné à permettre le maximum de dépistage par caryotype pour un nombre minimal d'amniocentèses. Actuellement en France, au prix de 6 % des grossesses soumises à une amniocentèse, on dépiste un peu plus de 70 % des fœtus trisomiques au début du 2ième trimestre de la grossesse.

Le test de stimulation gonadique par hCG a-t-il encore une place ?

Dans les années 60-70 ont fleuri plusieurs protocoles d'investigation ovarienne, avec et sans dexaméthasone, pour l'étude des hyperandrogénies. L'arrivée des dosages spécifiques des androgènes sériques a fait table rase de ces investigations.

En revanche, le test de stimulation testiculaire par hCG reste un excellent moyen, surtout en pédiatrie, d'évaluer la fonction leydigienne. En effet le testicule impubère est très facilement stimulé par une injection unique de hCG. Les protocoles de stimulation répétées sur 8 à 10 jours ont aussi leurs adeptes, mais hCG ayant été accusée d'avoir des effets délétères chez l'enfant, il vaut sans doute mieux se limiter à une seule injection.

Les indications thérapeutiques

Ce sont en fait celle de la LH:

-     induction de l'ovulation, hCG se substituant au pic spontané de LH

-     traitement substitutif des déficits gonadotropes, en association avec FSH; l'alternative est la pompe à LHRH, s'il s'agit d'un déficit hypothalamique et non primitivement hypophysaire

-     maintien du corps jaune, effet proprement hCG puisque c'est la sécrétion embryonnaire de hCG dès l'implantation qui maintient en survie le corps jaune gravidique.

Conclusion: quel type de dosage prescrire ?

Le dosage de la sous-unité bêta libre a deux indications essentielles:

-     la recherche d'un marqueur permettant de suivre l'évolution de certaines tumeurs malignes

-     le diagnostic du risque de trisomie 21 foetale: certains auteurs anglo-saxons ont établi la supériorité du dosage de la sous-unité bêta relativement à l'hCG intacte dans ce contexte, mais ce n'est peut-être pas absolu.

Pour le diagnostic de grossesse, on peut indifféremment doser soit l'hCG intacte, soit l'hCG totale. Il faut savoir toutefois que les valeurs de référence diffèrent entre ces deux types de dosage, surtout parce les proportions relatives de hCG intacte et bêta libre ne sont pas constantes dans le cours de la grossesse.

En pratique généraliste, il vaut mieux utiliser un dosage du type hCG totale, car on dépistera à coup sûr, non seulement les sécrétions d'hCG, comme dans la grossesse, mais aussi les sécrétions tumorales de sous-unité bêta libre. 


H  comme hCG

Fiche d'identité

hCG

hCG bêta libre

Nature

Glycoprotéine dimérique

Gycoprotéine monomérique

Sources

Placenta, tumeurs, hypophyse

Placenta, tumeurs

Demi-vies          rapide

                          lente

6 heures

35,6 heures

41 minutes

236 minutes

Taux sériques

. Enfant et adulte hors grossesse:

 indétectable, sauf pic ovulatoire

. Ménopause: < 7 UI / l

 Indétectable

         

Récepteurs

. Récepteur de la LH à 7 domaines transmembranaires, situé sur les cellules de Leydig, de la thèque, de la granulosa

. Liaison possible au récepteur de la TSH

Pas de liaison au récepteur de LH

Fonctions

. Stimule la synthèse et la libération        des stéroïdes gonadiques

. Rôle possible sur la tolérance immunitaire dans la grossesse

Pas d'action biologique connue

Utilisation diagnostique

. Diagnostic de grossesse

. Evaluation de la vitalité initiale de l'embryon

. Evaluation du risque de trisomie 21

 foetale

. Marqueur de tumeurs

. Evaluation du risque de trisomie 21 foetale

. Marqueur de tumeurs

Utilisation thérapeutique

. Traitement des déficits  gonadotropes

. Induction de l'ovulation

. Survie du corps jaune

Effets pharmacologiques

.Test de stimulation par hCG:

stimulation de la sécrétion de testostérone chez le garçon et chez l'homme adulte

. Stimulation des sécrétions du corps jaune

Effets secondaires

. Hyperstimulation ovarienne possible

. Effet délétère possible sur le testicule infantile en traitement prolongé

. Injection répétée: désensibilisation possible des récepteurs

Formes pharmaceutiques

Gonadotropine chorionique d'origine placentaire, extraite de l'urine de femme enceinte

Gonadotropine chorionique recombinante

Présentations commerciales

Gonadotrophine chorionique Endo (extractive) à 500, 1500 ou 5000 unités par ampoule

Ovitrelle Serono (recombinante

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