PORTRAIT
Structure: unité et sous-unités
La gonadotropine chorionique humaine (hCG) ou choriogonadotropine est une hormone glycoprotéique qui, comme les gonadotropines hypophysaires FSH et LH, et la thyrotropine TSH, est une molécule dimérique formée d'une sous-unité alpha de 92 acides aminés commune aux 4 hormones, et d'une sous-unité bêta de 145 acides aminés qui est spécifique à hCG. C'est cette sous-unité bêta qui détermine l'activité biologique en permettant la liaison au récepteur. Cependant cette même sous-unité bêta sous forme libre, sécrétée par le placenta et par certaines tumeurs malignes, est dénuée d'activité biologique intrinsèque, comme d'ailleurs la sous-unité alpha libre. De telle sorte que, exceptionnellement, l'unité internationale de sous-unité alpha ou bêta n'a pas été définie par référence à une action biologique mais par référence à une masse: une unité internationale d'hCG bêta est égale par définition à 1 microgramme. En revanche l'unité internationale de l'hCG dimérique est, elle, classiquement définie par une activité biologique.
Les 2 types de sous-unités sont glycosylés: la sous-unité alpha porte 2 groupes N-glycosidiques, la sous-unité bêta 2 groupes N-glycosidiques et 4 groupes O-glycosidiques.
Phylogénèse
Partant des structures comparées des hormones glycoprotéiques, les phylogénéticiens ont décrit les filiations qui, depuis la molécule ancestrale qui serait la sous-unité alpha libre, ont mené à hCG. La dernière étape est le passage de hLH à hCG: il a suffi d'une délétion et d'une mutation pour que la chaîne peptidique de LH bêta s'allonge de 121 à 145 acides aminés et forme la chaîne peptidique d'hCG bêta.
Nicke ton dimère !
Dans le sérum hCG existe sous plusieurs isoformes, variant essentiellement selon la nature des groupes osidiques qui confèrent à la molécule des propriétés plus ou moins acides. Il existe également à côté des sous-unités libres des fragments, comme le bêta-core de hCG, et des molécules clivées ou "nicked hCG". L'hétérogénéïté des molécules circulantes peut modifier la relation entre activité biologique et activité immunologique.
Vous avez dit bêta ? comme c'est bêta !
Lorsqu'en 1972, Judith Vaitukaitis présenta son dosage spécifique de hCG utilisant un antisérum dirigé contre la partie terminale de la sous-unité bêta, naquit le dosage "des" bêta-hCG. Cette expression ambiguë signifiait simplement que ce type de dosage mesurait simultanément les sous-unités bêta engagées dans la molécule dimérique et les sous-unités libres.
Grâce aux systèmes sandwich à deux anticorps monoclonaux, on dispose maintenant de 3 types de dosages spécifiques:
- le dosage d'hCG intacte, qui ne mesure que la molécule dimérique,
- le dosage exclusif de la sous-unité bêta libre,
- le dosage de l'hCG totale, qui mesure en même temps l'hCG intacte et la sous-unité bêta libre comme le faisait l'ancien dosage de Vaitukaitis.
On verra plus loin leurs indications respectives.
Le ou les récepteurs ?
La gonadotropine chorionique partage avec hLH le même récepteur membranaire. C'est un récepteur à 7 domaines transmembranaires comme celui des autres hormones glycoprotéiques. Il est présent sur les cellules de Leydig, sur les cellules de la thèque interne du follicule et sur les cellules de la granulosa. Les deux molécules hLH et hCG ont pratiquement la même affinité pour ce récepteur.
La
molécule de hCG a aussi une affinité non négligeable
pour le récepteur de TSH, ce qui peut rendre compte
d'un certain degré de freinage de la sécrétion
de TSH au premier trimestre de la grossesse, et surtout des
hyperthyroïdies gravidiques transitoires chez certaines
femmes qui ont un variant du récepteur de la TSH à
forte affinité pour hCG. On a également dévrit
en 2003, avec la participation de notre laboratoire, un variant
du récepteur de la FSH ayant une affinité suffisante
pour hCG pour être cause d'un syndrome d'hyperstimulation
ovarienne d'inhibine B au premier trimestre de la grossesse.
hCG hormone hypophysaire: la revanche d'Aschheim
Depuis que des dosages immunométriques hyperspécifiques permettent de distinguer sans ambiguïté hCG de hLH, la présence dans le sang circulant de molécules ayant toutes les caractéristiques immunologiques de hCG est bien démontrée. Cette activité hCG-like est surtout élevée chez la femme au moment de l'ovulation et après la ménopause. Le groupe d'Odell a démontré que cette protéine était sécrétée par les cellules gonadotropes, que la sécrétion était pulsatile, et sensible à LHRH.
Chez l'enfant et chez l'homme normal, les taux plasmatiques sont très inférieurs aux limites de détection des méthodes courantes de dosage de hCG (1 UI / l pour les meilleures méthodes). Il faut des techniques spéciales pour mettre hCG en évidence chez ces sujets. Il n'en est pas de même chez la femme où on peut trouver 2 à 3 UI / l d'hCG-like au moment de la décharge ovulatoire et jusqu'à 7 UI chez la femme ménopausée ! D'une manière générale toutes les situations d'hyperactivité gonadotrope hypophysaire peuvent s'accompagner d'une sécrétion d'hCG-like mesurable dans le sang. C'est une notion qu'il faut avoir à l'esprit sous-peine d'interprétation erronée d' un résultat non nul.
Existe-t-il des adénomes hypohysaires à hCG ? Pourquoi pas si hCG est une hormone hypophysaire? En fait, alors que l'expression du gène de la sous-unité bêta de hCG est attestée dans de nombreux adénomes, gonadotropes ou non, on n'a rapporté pour l'instant aucun cas d'adénome hypophysaire sécrétant suffisamment d'hCG dans le sang périphérique pour entraîner des signes endocriniens.
hCG tumorale ou le piège des tests de grossesse
Une grande variété de tumeurs peuvent sécréter hCG:
- tumeurs germinales surtout, et souvent à localisation gonadique mais aussi intra-cérébrale ou médiastinale,
- et aussi certains hépatoblastomes,
-
et des tumeurs malignes de toutes natures. C'est dire qu'il
faut avoir le dosage de hCG facile, mais ne pas se méprendre
sur son interprétation comme dans la triste observation
de cette fillette sicilienne de 12 ans, dont le ventre avait
grossi et qui avait un test de grossesse positif. Mise à
la porte par son père et recueillie par des religieuses
plus attentionnée que les parents, elle fut trouvée
porteuse d'une d'une tumeur ovarienne sécrétant
hCG qui fut finalement enlevée: elle pesait 3 kg !
Certaines tumeurs (vésicales, pulmonaires, etc..) ne sécrétent que la sous-unité hCG bêta libre et sont de très mauvais pronostic. Rappelons que dans ces cas il n'y a pas de signes endocriniens, puisque la sous-unité bêta libre est dénuée d'activité biologique.
Diagnostic et pronostic de la grossesse
Proposé par Aschheim dès 1928, le diagnostic de la grossesse est l'indication majeure du dosage de hCG. Quoiqu'on ait prétendu il y a 30 ans qu'hCG pouvait être détectée avant l'implantation, il est bien démontré maintenant qu'il faut attendre l'établissement de relations directes entre l'embryon et le sang maternel pour qu'hCG soit détectable. Donc en principe, le diagnostic de la grossesse peut être fait au premier jour des règles manquantes, sauf en cas d'ovulation tardive évidemment !
Fait important, pendant les 6 premières semaines de la grossesse, soit 8 semaines d'aménorrhée, les taux sériques de hCG croissent de façon exponentielle, le temps de doublement étant d'environ 1,5 jours. Cette notion est cruciale pour établir la solidité de l'implantation, ce qui est important dans certaines circonstances comme la fécondation in vitro: il suffit pour cela de deux dosages à 48 heures d'intervalle. Au delà de 8 semaines d'aménorrhée, le temps de doublement s'allonge progressivement jusqu'au pic de concentration, qui s'observe à 12 semaines, et qui précède une décroissance rapide.
Historiquement, les taux d'hCG permettaient également le diagnostic de môle hydatiforme: dans les môles non embryonnées, les taux de hCG continuent de croître de façon exponentielle au delà de 8 semaines pour atteindre parfois 1 million d'UI / l à 12 semaines, alors que les grossesses avec embryon ne dépassent pas 300 000 UI / l. Bien entendu, l'échographie à 10-11 semaines a détrôné le dosage d'hCG dans cette indication.
Le calcul du risque de trisomie 21
On sait, mais sans l'expliquer vraiment, que les placentas des foetus portant une trisomie 21 produisent statistiquement plus d'hCG et de sous-unité bêta-hCG libre que les placentas normaux. Ce fait est à la source des programmes de dépistage du risque de trisomie 21 fœtale par le dosage des marqueurs sériques maternels: hCG ou bêta libre + Alphafoetoproteine et/ou estriol non conjugué.
Gardons à l'esprit qu'il ne s'agit pas d'un diagnostic de trisomie 21 mais du calcul d'un risque destiné à permettre le maximum de dépistage par caryotype pour un nombre minimal d'amniocentèses. Actuellement en France, au prix de 6 % des grossesses soumises à une amniocentèse, on dépiste un peu plus de 70 % des fœtus trisomiques au début du 2ième trimestre de la grossesse.
Le
test de stimulation gonadique par hCG a-t-il encore une place
?
Dans les années 60-70 ont fleuri plusieurs protocoles d'investigation ovarienne, avec et sans dexaméthasone, pour l'étude des hyperandrogénies. L'arrivée des dosages spécifiques des androgènes sériques a fait table rase de ces investigations.
En revanche, le test de stimulation testiculaire par hCG reste un excellent moyen, surtout en pédiatrie, d'évaluer la fonction leydigienne. En effet le testicule impubère est très facilement stimulé par une injection unique de hCG. Les protocoles de stimulation répétées sur 8 à 10 jours ont aussi leurs adeptes, mais hCG ayant été accusée d'avoir des effets délétères chez l'enfant, il vaut sans doute mieux se limiter à une seule injection.
Les indications thérapeutiques
Ce sont en fait celle de la LH:
- induction de l'ovulation, hCG se substituant au pic spontané de LH
- traitement substitutif des déficits gonadotropes, en association avec FSH; l'alternative est la pompe à LHRH, s'il s'agit d'un déficit hypothalamique et non primitivement hypophysaire
-
maintien du corps jaune, effet proprement hCG puisque
c'est la sécrétion embryonnaire de hCG dès
l'implantation qui maintient en survie le corps jaune gravidique.
Conclusion: quel type de dosage prescrire ?
Le dosage de la sous-unité bêta libre a deux indications essentielles:
- la recherche d'un marqueur permettant de suivre l'évolution de certaines tumeurs malignes
- le diagnostic du risque de trisomie 21 foetale: certains auteurs anglo-saxons ont établi la supériorité du dosage de la sous-unité bêta relativement à l'hCG intacte dans ce contexte, mais ce n'est peut-être pas absolu.
Pour le diagnostic de grossesse, on peut indifféremment doser soit l'hCG intacte, soit l'hCG totale. Il faut savoir toutefois que les valeurs de référence diffèrent entre ces deux types de dosage, surtout parce les proportions relatives de hCG intacte et bêta libre ne sont pas constantes dans le cours de la grossesse.
En pratique généraliste, il vaut mieux utiliser un dosage du type hCG totale, car on dépistera à coup sûr, non seulement les sécrétions d'hCG, comme dans la grossesse, mais aussi les sécrétions tumorales de sous-unité bêta libre.