P comme PROLACTINE

 

La caractérisation de la prolactine fut assez laborieux, car elle a pratiquement la même masse que l'hormone de croissance, et il fut assez difficile de mettre au point un dosage biologique réalisable dans des conditions acceptables. Le seul dosage in vivo encore en pratique est le test du jabot de pigeon, mais des tests in vitro sont maintenant disponibles, qui servent au calibrage des étalons internationaux.

Comme pour les autres hormones protéiques, la prolactine n'est entrée dans le domaine clinique qu'après 1970 avec l'avènement des techniques immunolo-giques, en fait à l'époque radio-immunologiques. Depuis cette date, le dosage de la prolactine est devenu, après celui des hormones thyroïdiennes le plus prescrit en endocrinologie / gynécologie.

Comme on le verra plus loin, les résultats sortis des laboratoires peuvent poser des problèmes d'interprétation: y-a-t-il de fausses hyperprolactinémies ? les méthodes de dosage sont-elles équivalentes ? faut-il faire des épreuves de stimulation ? quand passer de l'exploration biologique à l'imagerie de l'hypophyse ?

C'est à ces questions qu'il sera répondu dans le portrait ci dessous.

Marc ROGER

 

PORTRAIT

Une ou des prolactines ?

La prolactine est un polypeptide monomérique de 192 aminoacides, qui fait partie de la famille des cytokines. La prolactine que l'on dose dans le sang est sécrétée par les cellules lactotropes de l'antehypophyse. Mais d'autres tissus, comme l'endomètre et le tissu lymphoïde, produisent in situ de la prolactine dont l'action s'exerce localement.

L'attention a été attirée il y a une dizaine d'année sur l'existence de plusieurs formes circulantes de la prolactine. Certaines sont bioactives, comme la prolactine glycosylée, et le système de dosage ne doit pas les méconnaître sous peine de sous-estimer la prolactinémie réelle. D'autres ne sont pas bioactives et sont un piège diagnostique classique. En font partie, les formes dimériques et trimériques de big-prolactine, en principe non bio-actives, dont la masse moléculaire est de 50000 à 70000 daltons et qui sont toujours peu ou prou présente dans les sérums normaux, ainsi que les formes lourdes de big-big prolactine (150000 à 170000 daltons), en général complexe formé entre une molécule de prolactine et une protéine ayant les caractéristiques d'une immunoglobuline. Ces formes big et big-big sont facilement reconnues par une chromatographie du sérum, technique sûre mais lourde. Nous verrons plus loin comment sélectionner les patient(e)s relevant de cette investigation.  

La régulation de la sécrétion: beaucoup plus simple que celle de la GH.

Alors que l'hormone sœur de la prolactine, l'hormone de croissance (GH) a un système régulateur complexe où interviennent plusieurs peptides hypothalamiques, la régulation de la sécrétion de la prolactine apparaît rudimentaire: un peptide stimulateur, mais non spécifique, la TRH, un inhibiteur puissant , la dopamine, précurseur des catécholamines. Il n'est pas sûr que la TRH joue un rôle physiologique dans la régulation de la sécrétion de prolactine, mais c'est un bon test de stimulation. En revanche, l'action de la dopamine est prééminente et toutes les substances médicamenteuses qui ont un effet anti-dopaminergique (c'est le cas de nombreux neuroleptiques) élèvent fortement la prolactine.

Le récepteur de la prolactine: pas seulement la glande mammaire !

Le récepteur de la prolactine fait partie, comme le récepteur de l'hormone de croissance ou de la leptine, du groupe des récepteurs de cytokine. C'est une protéine à un seul domaine transmembranaire. Le récepteur humain est une protéine de 598 aminoacides, dont la plus grande partie est intracellulaire. Il a une assez forte homologie avec le récepteur de l'hormone de croissance. Mais à la différence de l'hormone de croissance (et de la leptine), on ne lui connaît pas de forme soluble circulante qui servirait de protéine de liaison de la prolactine.

Il est très ubiquitaire, et certaines localisations sont évidemment une incitation à chercher à la prolactine des fonctions jusqu'ici inexplorées.

Certes on le trouve comme attendu dans la glande mammaire normale et tumorale, mais aussi dans l'ovaire et le testicule, dans l'utérus, les vésicules séminales, la prostate, le foie, le pancréas, l'intestin, le rein, les surrénales, l'hypothalamus, les plexus choroïdes, la rétine, et enfin le système immunitaire: thymus, thymocytes, lymphocytes et polynucléaires.

En dehors de l'action bien connue sur le développement de la glande mammaire et sur la lactation, la prolactine a une action stimulante sur l'ovaire et le testicule, tant en ce qui concerne la prolifération cellulaire que la stéroïdogénèse. Mais un des aspects les plus étudiés ces dernières années est l'action de la prolactine sur certaines cellules du système immunitaire dont l'activité serait très dépendantes de la prolactine.

Comment définir une hyperprolactinémie ?

Cette question cruciale pose deux problèmes: comment définir les valeurs de référence, et comment dépister les fausses hyperprolactinémie dues aux formes circulantes anormales.

La définition des valeurs de référence de la prolactine se heurte aux mêmes difficultés que pour les autres hormones protéiques. Bien qu'on commence à disposer d'hormones recombinantes de masse et de pureté connues, le calibrage officiel est celui de l'activité biologique exprimé en Unités Internationales définies par l'OMS, seule mode d'expression capable de standardiser les résultats entre techniques. En effet les étalons de travail des systèmes de dosage sont de pureté variable et les nanogrammes d'une méthode ne sont pas les nanogrammes de la méthode voisine. Par exemple dans certains systèmes de dosage, 25 ng/ ml est une hyperprolactinémie, alors que pour d'autres systèmes 25 ng / ml est une concentration physiologique. Il faut donc exiger l'expression des résultats en Unités Internationales, tant que tous les systèmes de dosage n'utiliseront pas comme calibrateur la même hormone recombinante.

L'existence de formes circulantes inhabituelles et non bioactives est une cause d'erreur assez fréquente dans l'évaluation d'une hyperprolactinémie apparente. Un point doit attirer l'attention: une hyperprolactinémie découverte fortuitement chez un homme ou une femme n'ayant aucun signe clinique évocateur d'une hyperprolactinémie, est une indication à l'étude des formes circulantes par chromatographie du sérum.

A l'inverse, faire l'étude des formes circulantes devant une hyperprolactinémie découverte dans l'exploration d'une aménorrhée, d'une galactorrhée, d'une impuissance, c'est prendre la mauvaise direction, et sans doute perdre du temps sur la route du diagnostic.

La pathologie de la prolactine

Les hyperprolactinémies ont le beau rôle en pathologie.

Les plus fréquentes sont médicamenteuses. Anxiolytiques, antidépresseurs, tranquillisants, somnifères, antiallergiques, peuvent induire de fortes hyperprolactinémies, mais en principe ne provoquent pas le développement d'adénomes à prolactine. Ce n'est pas le cas des oestrogènes, ce qui impose la surveillance de la prolactinémie au cours des traitements oestrogéniques.

Une fois éliminée une cause médicamenteuse, la grande question est: y-a-t-il un adénome à prolactine ? La réponse viendra des tests fonctionnels et surtout de l'imagerie. Une hyperprolactinémie même modérée, avec une faible réponse à TRH est une incitation à chercher un microadénome par une bonne imagerie. En revanche les fortes réponses à TRH avec retour rapide à la ligne de base ne sont pas évocatrices d'un adénome à prolactine.

Certaines hyperprolactinémies sont fonctionnelles quoique secondaires à une lésion organique: hyperprolactinémies dites de déconnexion par compression de la tige pituitaire empêchant la dopamine d'avoir accès de l'hypophyse et levant donc le tonus inhibiteur.

Y-a-t-il des hypoprolactinémies ?

Curieusement, on n'a pas décrit de syndrome lié à une mutation du gène de la prolactine, ni à une mutation du gène du récepteur.

En revanche on connaît deux affections génétiques où l'expression du gène de la prolactine est diminuée voir bloquée: les mutations des gènes de transcription PIT-1 et PRO-1. Dans ces syndromes congénitaux extrêmement rares, la production de prolactine est basse ou absente. Mais les signes de déficits associés de l'hormone de croissance et de la TSH sont au premier plan.  

Dr. Najiba LAHLOU

 

P comme PROLACTINE

Fiche d'identité

 

PROLACTINE

FORMES CIRCULANTES

Nature

Polypeptide monomérique

Polymères et complexes immuns

Sources

Antehypophyse

Endomètre

Antehypophyse

Formes circulantes

Little: masse 23 000

Big: masse environ 60 000

Big-Big: masse environ 160 000

Unités usuelles

mUI / l ou ng/ml

mUI / l ou ng / ml et % du total

Taux sériques mUI / l

femmes 20-40 ans

hommes 20-40 ans

enfants impubères

39 à 975

39 à 550

39 à 585

Little @ 70 %

Big @ 20 %

Big-Big @ 10 %

Intérêt sémiologique

  • retards pubertaires
  • anovulations
  • aménorrhées
  • galactorrhée
  • infertilité
  • baisse de la libido
  • tumeur hypophysaire
  • hyperprolactinémie découverte fortuitement chez un(e) patient(e) sans signes cliniques évocateurs d'une hyperprolactinémie
  • Récepteur

    récepteur type cytokine à un seul domaine transmembranaire

    les formes Big et Big-Big ne se lient pas au récepteur et n'ont pas d'activité biologique

    Tissu où le récepteur est exprimé

    • glandes mammaires
    • gonades
    • appareil digestif
    • cerveau et hypothalamus
    • système immunitaire
     

    Fonctions

    • préparation à la lactation
    • préparation à la nidation
    • stimulation gonadique
    • stimulation de certaines cellules immunitaires
     

     

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